Nous revoilà sur les traces du perfectionnisme pour la suite de la réflexion commencée la semaine passée (et bien des mois auparavant).
La semaine dernière, on a fait un état des lieux pour voir que le perfectionnisme prenait racine dans la volonté de contrôler la vie et comment il était bien plus une affaire collective qu’un simple trait de caractère.
Cette semaine nous allons nous pencher sur son organisation et sur son impact sur nos systèmes nerveux.
Si vous n’avez pas lu la première partie, ou si vous voulez la relire, c’est par ici.
👽 La chronique : Notre pouvoir c'est le groupe
Reprenons les choses là où on les avait laissées : l’organisation du perfectionnisme.
Je vous remets le schéma pour l’avoir sous les yeux :
Nous sommes des être sociaux, on vit ensemble. Le groupe crée la culture qui crée un ensemble de systèmes qui façonnent le groupe et donc nous, les individus. Cela n’est pas bien ou mal, ça a besoin d’être pour que l’on puisse vivre ensemble et c’est ok.
Un des but du vivre ensemble c’est de survivre, c’est de favoriser la survie de l’espèce. On ne fait pas le poids seul.
J’en parlais hier avec une de mes colocataires, il y a des espèces marines qui ont la possibilité d’envoyer des décharges électriques ou des espèces comme les caméléons qui peuvent se fondre dans le décors ou d’autres encore qui peuvent d’un seul coup de patte mettre tout le monde K.O.
Nous on n’a pas tout ça.
Individuellement nous sommes des êtres plutôt faibles physiquement, pas de super pouvoir pour survivre seul•e.
Notre pouvoir, c’est le groupe. S’organiser ensemble nous a permis de faire force pour se défendre, pour se nourrir, pour se réchauffer (miam miam), pour prendre soin des un•es des autres, pour prendre plaisir à vivre, etc.
Le deal c’est d’adhèrer à une sorte de code d’honneur quand on nait pour faire partie du groupe. C’est inconscient tout ça on est d’accord, le but étant toujours de survivre en tant qu’individu pour que le groupe survive aussi.
Lorsque l’on transgresse les règles, que l’on ne correspond pas aux normes imposées par la culture, il y a des conséquences qui permettent au système de perdurer : humiliation, abandon, discrimination, etc. Le risque derrière c’est la mort, soit parce qu’on se retrouvera seul•e, soit parce que le groupe en décidera ainsi, bref nos systèmes nerveux sont régis par un danger de mort plus ou moins imminent.
Pour éviter cela, nos organismes intègrent très vite que si l’on veut faire groupe et donc survivre, on doit appliquer des stratégies. Une d’entre elles, que beaucoup d’entre nous sont poussé•es à appliquer c’est : “si je correspond à l’idéal alors rien ne peut m’arriver”.
Notre système nerveux se met donc en état de fawn (= plaire à) et c’est comme ça que nous avons toustes (ou presque) une part de nous bien people pleasing qui accompagne le perfectionnisme.
On l’a vu dans la partie une, cet idéal dont on parle est inatteignable puisque cela demande d’être autrement que ce que nous sommes dans notre multiplicité et que la place sociale donnée lorsque l’on nait définit déjà que l’on n’atteindra jamais cet idéal (genre, classe, race, etc).
Sauf que nous, petit bébé humain, on intègre tout ça dans nos petits corps et ainsi la culture blanche capitaliste se garantit une longévité et un pouvoir infini.
(dans le schéma on est à : oppressions intériorisées, la culture se maintient).
Bon nombre d’entre nous évolue alors dans la vie avec l’impression permanente de toujours être trop ou jamais assez bien. Notre système nerveux en panique à l’idée d’être bizarre ou hors norme, tente coute que coute de nous améliorer, de nous rapprocher de l’idéal. On se remet ainsi en question en tant qu’individu ou en tant que groupe minoritaire/non dominant.
On dépense alors beaucoup d’énergie, de temps ou d’argent à essayer de mieux faire, à essayer d’être irréprochable. On entretient le système du perfectionnisme car souvent on finit aussi par vouloir s’améliorer et améliorer l’autre ou attendre que l’autre soit irréprochable. Que cela soit dans les milieux politiques/militants, dans nos relations (familiale/de couple omg) ou dans les projets collectifs, on entretient la culture du perfectionnisme et donc on entretient un stress intense dans nos systèmes nerveux.
Le marketing s’amuse de nos insécurités et nous rappelle sans cesse à quel point on a besoin d’être autrement et vite. Nos systèmes nerveux, toujours pour faire groupe, achètent voyant là une solution efficace pour survivre, but THIS IS NEVER ENOUGH.
”On abat pas la maison du maître avec les outils du maître” disait Audre Lorde.
On a besoin de sortir nos systèmes nerveux du système perfectionnisme. On a besoin de sortir de l’illusion parfaite de ce que l’on croyait vrai, parce que ça ne sert pas le vivant et ne l’a jamais servi. Le perfectionnisme sert un système qui ne fonctionne pas, qui nous a rattrapé culturellement et qui fait de nous ses outils.
Ce n’est pas ce que l’on veut pour le futur et cela commence dès maintenant dans les choix que nous faisons, et dans quels systèmes nous décidons de nous investir pour faire groupe.
Il y a des pistes, il y a des choses à mettre en place, des tentatives à créer.
On les explorera enfin la semaine prochaine !
Je vous tease un peu sur les pistes : relationner avec nos systèmes nerveux (par des approches somatiques notamment) et mettre le “faire groupe autrement” en pratique (en se réunissant, en s’essayant à d’autres organisations collaboratives même dans les plus petits groupes, et d’autres choses).
Hâte de vous partager la suite. En attendant, j’invite toutes vos réactions, réflexions et critiques car je ne suis pas en train d’écrire le futur toute seule, on le fait ensemble et tout le monde à quelque chose à dire dans ce game.
See you very soon et merci d’avoir lu jusqu’ici !
Pas de question introspective cette semaine, ni de recommandation à part celle d’écouter une playlist proposée par un duo que je kiffe et qui s’appelle Baraka. Vous pouvez l’écouter ici (je vous préviens c’est de la grosse techno).
Toujours possible de s’inscrire aux prochaines retraites qui ont lieu cet Automne, les détails par ici. Pour réfléchir à la relation que l’on a avec notre corps (ciao perfectionnisme), explorer le plaisir comme nouvel outil et mettre en pratique toute cette théorie en groupe ! ⬇️⬇️⬇️
Super cette réflexion en plusieurs parties ! Et le pouvoir du groupe, c'est vraiment quelque chose que j'ai appris à ressentir et à expérimenter (et à apprécier) il y a peu. Et effectivement, quand tu dis "On entretient le système du perfectionnisme car souvent on finit aussi par vouloir s’améliorer et améliorer l’autre ou attendre que l’autre soit irréprochable. Que cela soit dans les milieux politiques/militants, dans nos relations (familiale/de couple omg) ou dans les projets collectifs, on entretient la culture du perfectionnisme et donc on entretient un stress intense dans nos systèmes nerveux.", je me rends compte que c'était beaucoup ça qui me faisait "peur" et m'angoissait dans les groupes auxquels je participais, ce côté "il faut pas faire d'erreurs attention", etc. Alors merci de poser des mots dessus, cette réflexion est super intéressante et utile ! 🙌